(...) Aux champs de la défaite si j'ai replanté ma fidélité, c'est que Dieu de sa main de plomb avait frappé la France. Soyez bénis, mes Pères, soyez bénis ! Vous qui avez permis mépris et moqueries, les offenses polies les allusions discrètes et les interdictions et les ségrégations. Et puis vous avez arraché de ce coeur trop aimant les liens qui l'unissaient au pouls du monde. Soyez bénis, qui n'avez pas permis que la haine gravelât ce coeur d'homme. Vous savez que j'ai lié amitié avec les princes proscrits de l'esprit, avec les princes de la forme, que j'ai mangé le pain qui donne faim de l'innombrable armée des travailleurs et des sans travail. Que j'ai rêvé d'un monde de soleil dans la fraternité de mes frères aux yeux bleus. (Léopold Sedar Senghor in "poètes d'aujourdhui", Armand Guibert, Seghers éditeurs, Paris 1966). Je propose qu'on fasse lire cette lettre dans toutes les classes à la prochaine rentrée !