(...) "La monarchie se perd, lorsqu'un prince croit qu'il montre plus sa puissance en changeant l'ordre des choses qu'en les suivant ; lorsqu'il ôte les fonctions naturelles des uns pour les donner arbitrairement à d'autres, et lorsqu'il est plus amoureux de ses fantaisies que de ses volontés. La monarchie se perd, lorsque le prince, rapportant tout uniquement à lui, appelle l'Etat à sa capitale, la capitale à sa cour, et la cour à sa seule personne. Enfin elle se perd, lorsqu'un prince méconnaît son autorité, sa situation, l'amour de ses peuples ; et lorsqu'il ne sent pas bien qu'un monarque doit se juger en sûreté, comme un despote doit se croire en péril. Le principe de la monarchie se corrompt lorsque les premières dignités sont les marques de la première servitude, lorsqu'on ôte aux grands le respect des peuples, et lorsqu'on les rend de vils instruments du pouvoir arbitraire. Il se corrompt encore plus, lorsque l'honneur a été mis en contradiction avec les honneurs, et que l'on peut être à la fois couvert d'infamie et de dignités. Il se corrompt lorsque le prince change sa justice en sévérité (...). Le principe de la monarchie se corrompt lorsque des âmes singulièrement lâches tirent vanité de la grandeur que pourrait avoir leur servitude, et qui croient que ce qui fait que l'on doit tout au prince que l'on ne doit rein à sa patrie." (MONTESQUIEU, "L'esprit des lois", Livre VIII, chapitre VI. D'actualité, non ?