Le Président de la République a annoncé (enfin !) la réforme tant attendue et urgente du lycée. L'ex-ministre de l'Education nationale s'y était cassé les dents tant le niveau d'impréparation et de précipitation dont il avait fait preuve avait rebuté même ceux qui étaient de bonne volonté. Le nouveau ministre aura à mettre en musique les propositions pertinentes de monsieur Richard Descoings : cela ne sera pas une mince affaire.En effet, la suspicion légitime des acteurs de l'éducation est aujourd'hui exacerbée par l'abondance des réformes et des contre-réformes de ces dernières années. Cependant, en mettant l'accent sur l'orientation, monsieur Descoings voit juste et tape là où cela fait mal. En effet, depuis des dizaines d'années, on oriente, sans se préoccuper des suites, des cohortes impressionnantes d'élèves vers des voies qu'ils n'ont pas choisies. Pire, on trouve des vertus pédagogiques à des redoublements qui ne proposent qu'à servir un an de plus la même soupe à des élèves qui n'en peuvent mais. Pire encore, non seulement on les fait redoubler (ce qui veut dire "tripler") mais on attend de ces redoublants qu'ils soient d'emblée brillants, travailleurs, sérieux et les meilleurs ! Pire toujours, pour ceux qui ne réussissent pas, la suprême sanction sera d'aller "dans le monde du travail" dont chacun sait qu'il est aujourd'hui très facile d'y entrer même quand on a quelques diplômes. Je me souviens, il y a quelques années, on pouvait lire sur des bulletins scolaires de fin de classe de troisième : orientation proposée "vie active". On ne l'écrit plus aujourd'hui, c'est interdit, mais on fait en sorte (volontairement) que l'élève en difficulté comprenne de lui-même que l'école n'est pas faite pour lui. Le Président de la République parle, et il a raison, de "mépris insupportable pour les filières technologiques et professionnelles". Il est vrai que cela est bien ancré dans l'esprit des français ; la différence entre cols bleus et cols blancs existe toujours. Combien d'acteurs de l'éducation acceptent de gaité de coeur de voir leurs enfants orientés en lycée professionnel ou technologique ? La dictature de la filière S a produit, dans la plupart des cas, des scientifiques moyens (un peu plus de 5% d'entre eux l'ont choisi par goût des sciences) et a ruiné les autres filières, notamment celle des sciences dites molles : les Lettres, la psychologie, les arts...Le lycée doit devenir, nous dit le Président de la République, un lieu d'accompagnement personnalisé pour tous les élèves. C'est quand même la vocation première du pédagogue...on l'avait un peu oublié. Les pédagogues eux-mêmes n'y croyaient plus tant, il est vrai et à leur décharge, qu'on leur a tiré dessus depuis des années. Enfin, l'apprentissage des langues qui a été raté depuis des générations doit être, nous dit-on, réformé. Ce n'est pas dommage : les petits français, après parfois 7 ans ou plus d'anglais, sont incapables de tenir une conversation dans cette langue. Il ne s'agit pas de nier l'intérêt qu'il peut y avoir à connaître la culture de tel ou tel pays, mais avant de se l'approprier il faut au moins en maîtriser la langue courante, celle qui permet d'échanger et de se comprendre. En terminant son discours, le Président de la République demande à ce que le "lycée de demain permette la conquête de l'autonomie et l'apprentissage de la responsabilité." Cela se fera, c'est urgent si on ne veut pas que nos futurs citoyens soient "des veaux", mais cela doit se faire aussi par l'exemple, j'ose dire par l'exemplarité de ceux qui ont en charge l'éducation.Un enfant, un adolescent est un adulte en devenir et il n'est pas nécessaire de lui faire croire qu'il peut agir comme un adulte en lui accordant des fonctions que son âge légal lui interdit. Cela étant, son implication dans la vie citoyenne de son lycée doit être reconnue et pas seulement par de bons sentiments. Bon courage, Monsieur le ministre, il faut aller jusqu'au bout : les critiques vont pleuvoir, les éternelles revendications de moyens vont suivre avec tous leurs cortèges d'imprécations et de jugements a priori.