Ce n'est par hasard si le ministère refuse de parler d'évaluation pour préférer le contrôle. C'est plus simple, ça trie et ça élimine d'emblée ceux qui connaissent des difficultés à "recracher" des savoirs académiques sans pour autant les maîtriser. Le contrôle, c'est la négation de la démarche par compétences, c'est le rejet du socle commun. Mais le ministre n'est pas le seul à refuser l'évaluation. Evaluer, c'est faire sortir la valeur de l'individu, c'est mettre en jeu ses compétences, c'est s'assurer qu'au delà du temps du "contrôle", l'élève, mais aussi l'adulte, est en mesure de réutiliser à bon escient ce qu'il a acquis. Contrôler, c'est un métier qui s'apprend et qui ne nécessite en rien la participation du contrôlé si ce n'est de dire qu'il sait ou ne sait pas à un instant T et peu importe ce qui restera de cette acquisition dans les jours, les semaines, les mois et les années à venir. Evaluer, c'est une posture qui met en évidence l'acquisition d'une compétence et le savoir, le savoir faire et le savoir être de l'évaluateur. Ce n'est pas pour rien que tant les professeurs que les cadres RH refusent d'entrer dans une authentique démarche d'évaluation. Quand je me mets en posture d'évaluer une compétence ou "un morceau" de compétence", je me mets aussi en danger puisqu'en fonction des consignes données et du référentiel choisi il peut arriver que ce soit la propre démarche de l'évaluateur qui se trouve mise en cause. Un exemple parmi d'autres : le baccalauréat. Ce dernier, s'il est un instrument d'évaluation du fonctionnement du système, il n'est qu'un contrôle des acquis des élèves au moment de l'épreuve. Et ce ne sont pas les universités qui diront le contraire ! Enfin, sans nier l'utilité de la note, judicieusement appliquée, on peut affirmer ici que "les petites notes font les grands échecs" et que bien trop souvent l'addition de ces notes pour un même élève donne le plus souvent l'âge du capitaine que le niveau de compétence acquis par l'élève. Pour s'en convaincre, la lecture de bulletins trimestriels est édifiante. Un autre exemple : on se plaint, à juste titre (et des universités donnent aujourd'hui des cours de rattrapage), du niveau de maîtrise orthographique des étudiants. Le système de notatio, qui relève exclusivement de la docimologie, conduit inexorablement au découragement de certains élèves. Tel enfant, au primaire, qui commence sa scolarité avec une orthographe défaillante n'a pratiquement aucune chance d'obtenir un jour une note supérieure à la moyenne. Et pourtant, passer de 50 fautes à 20 démontre chez ce jeune l'acquisition de compétences nouvelles qu'il eut fallu évaluer et non contrôler. Pourquoi cet enfant, submergé par les "zéros" en orthographe, pourrait-il se mobiliser encore plus pour n'obtenir, de toute façon, qu'une note égale à zéro ? Evaluer, c'est ce qui permet d'évoluer ; contrôler, c'est laisser l'individu face à ses insuffisances sans lui apporter aucun secours. La pédagogie institutionnelle imprégnée par les théorie de Celestin Freinet l'avait bien compris. Par la mise en oeuvre de "tableaux" d'acquisition de compétences, tous les élèves avaient au moins un domaine où ils progressaient, tant à leurs propres yeux qu'à ceux du reste de la classe. Contrôler, c'est, au sens propre (le contre-rôle) vérifier la conformité (c'est ce que font les services fiscaux), évaluer, c'est dire le chemin parcouru, et comment il l'a été pour parvenir à des acquis stables et réutilisables dans différentes situations. Lire l'article du Parisien Lire l'article de Libération